Plusieurs associations tunisiennes, parmi lesquelles la Ligue pour la Défense des Droits de l'Homme et la branche locale d'Amnesty International, ont joint leurs efforts de protestation contre la peine de mort dans leur pays. Cette nouvelle alliance enverra une pétition au gouvernement tunisien, qui n'a fait exécuter aucun prisonnier depuis 1993, visant à amender la loi en abolissant la peine capitale.
Lors d'une conférence de presse organisée jeudi matin, le 14 juin, un collectif d'associations tunisiennes a annoncé la création de la Coalition Nationale Tunisienne pour l'Abolition de la Peine de Mort, à laquelle participaient de nombreux diplomates occidentaux. Habib Marsit, président de la branche tunisienne d'Amnesty International, a déclaré: "La mise en place de cette coalition nationale intervient dans le cadre d'une alliance internationale initiée après la tenue de la Conférence de Paris début février, qui avait recommandé de s'intéresser en particulier à la Chine et au Moyen-Orient, régions qui connaissent le plus grand nombre d'exécutions."
M. Marsit a souligné que cette alliance regroupe sept ONG, parmi lesquelles la branche tunisienne d'Amnesty International, la Ligue Tunisienne pour la Défense des Droits de l'Homme, l'Association Démocratique des Femmes, l'Association des Journalistes Tunisiens, l'Institut Arabe des Droits de l'Homme, l'Association Tunisienne des Femmes pour la Recherche et le Développement, et la Fédération des Cinémathèques, en plus de plus d'une centaine de personnalités tunisiennes connues pour leur engagement en faveur des Droits de l'Homme, parmi lesquels des avocats, des réalisateurs, des personnalités des médias et d'anciens ministres.
La charte de la coalition stipule que l'objectif présidant à la mise en place de celle-ci est "d'obtenir l'abolition de la peine de mort dans notre pays et de coordonner une vaste mobilisation des citoyens contre la peine capitale, en s'adressant aux autorités du pays, de manière à monter dans le train des nations qui ont aboli la peine de mort". Le seul Etat arabe à avoir à ce jour supprimé la peine de mort dans sa législation est Djibouti.
Depuis sa création en 1961, Amnesty International a appelé à l'abolition de la peine de mort contre les prisonniers d'opinion. En 1971, cet appel fut élargi à l'abolition de la peine capitale pour toute personne condamnée à mort. En 2000, Amnesty International, en partenariat avec la Communauté de St. Egidio et Soeur Helen Prejean, avait remis au Secrétaire Général des Nations-Unies une pétition comportant plus de trois millions de signatures en faveur de l'abolition de la peine de mort dans le monde entier.
Mokhtar Trifi, président de la Ligue Tunisienne pour la Défense des Droits de l'Homme et membre de cette coalition, a confirmé que le conseil administratif de l'alliance serait constitué par accord mutuel entre les membres, plutôt que par le biais d'élections. M. Trifi a également confirmé que cette nouvelle entité n'avait pas besoin d'une licence légale des autorités, parce qu'elle est constituée à la base d'associations et d'organisations légalement admises. "Nous ne sommes pas une nouvelle association ni une nouvelle organisation, mais une coalition comprenant plusieurs organisations légalement reconnues."
M. Trifi, un professionnel du droit, a affirmé que cette alliance agirait dans le respect des cadres légaux et légitimes existant. Il estime que l'objectif principal est d'exiger que la peine capitale ne puisse être intégrée lors de la promulgation d'une quelconque législation. "Bien qu'espérant l'abolition de la peine de mort dans le droit tunisien", a-t-il déclaré, "nous exigerons que les droits dont bénéficient les prisonniers ordinaires soient appliqués aux condamnés à mort."
La dernière exécution en Tunisie date de 1993; elle avait été prononcée à l'encontre de celui que l'on qualifiait de "boucher de Nabeul", qui avait violé et tué plusieurs jeunes enfants. Il n'existe aucun chiffre officiel sur le nombre de personnes condamnées à mort en Tunisie, mais des sources indépendantes affirment qu'elles pourraient être une centaine.
Selon les statistiques d'Amnesty International, en 2005, au moins 2 148 personnes ont été exécutées dans 22 pays, et au moins 5 186 autres ont été condamnées à mort dans 53 pays. Selon la branche tunisienne d'Amnesty International, une réunion arabe devrait se tenir en juillet à Amman, en Jordanie, pour mettre en place une alliance arabe contre la peine de mort et agir en faveur de son abolition.
Jamel Arfaoui (Magharebia)