Les organisations marocaines des Droits de l'Homme demandent depuis longtemps l'abolition de la peine de mort, que beaucoup considèrent comme une confiscation de l'un des Droits de l'Homme fondamentaux. Toutefois, ce sujet très controversé est loin de faire l'unanimité.
La Coalition Marocaine contre la Peine de Mort est encouragée par le vote intervenu le 18 décembre à l'Assemblée Générale des Nations-Unies, où 105 Etats membres se sont déclarés favorables à une résolution demandant l'abolition de la peine de mort dans tous les pays. Toutefois, cette coalition a fait part de sa déception au vu de "la nouvelle abstention du Maroc lors du vote sur cette question" et exprimé son espoir de voir le pays corriger son erreur et voter en faveur de cette résolution.
Selon cette organisation, une telle abstention est contraire aux obligations internationales du Maroc, en particulier celles que le pays assument du fait de son appartenance au Conseil des Droits de l'Homme. Elle est également contraire au rapport final de la Commission Justice et Réconciliation, approuvé par le Roi Mohammed VI.
Abdelilah Benabdeslam, le coordinateur de la coalition, a déclaré à Magharebia que le Maroc semblait être dans un état de contradiction. Il a expliqué que bien que le pays ait suspendu l'application de la peine de mort en 1993, de nombreuses condamnations à mort continuent d'être prononcées par les tribunaux et que le pays n'a pas encore ratifié la résolution des Nations-Unies.
De leur côté, les partisans de la peine de mort font valoir que la criminalité augmenterait si cette dissuasion était supprimée.
Un compromis entre abolition et peine capitale sans restriction a été proposé par Mustafa al Ramid, avocat et membre du secrétariat général du Parti pour la Justice et le Développement. M. Al Ramid a déclaré à Magharebia: "Nous ne sommes ni favorables à l'abolition complète de la peine de mort, ni au maintien du statut actuel, parce qu'il est terrifiant et horrifiant et n'apporte pas de garanties suffisantes aux accusés. Nous privilégions plutôt un nouvel examen des crimes passibles de la peine capitale… et sa limitation aux seuls crimes dangereux."
Les crimes politiques ne doivent pas être passibles de la peine de mort, a-t-il ajouté.
M. Al Ramid demande également l'activation d'un mécanisme de grâce par les familles des victimes pour épargner cette peine aux auteurs des crimes. De plus, il est d'avis que cette peine ne devrait pas être appliquée en-dehors d'un délai raisonnable (par exemple, dix ans), afin d'éviter les erreurs susceptibles d'être commises par les tribunaux.
Deux semaines avant le vote en session de l'Assemblée Générale des Nations-Unies le 18 décembre, le Ministre de la Justice Abdelwahed Radi avait déclaré au parlement que le Maroc ne se prononcerait pas en faveur d'une résolution des Nations-Unies sur l'abolition de la peine de mort. "La controverse est vive entre les partisans de l'abolition de la peine de mort et les partisans de son maintien. Nous nous abstiendrons de voter l'abolition de cette peine parce que nous n'avons pas encore résolu le problème", avait-il affirmé.
Il avait par la suite ajouté que "le Maroc souhaite ardemment ne pas voir ses tribunaux appliquer cette peine, qui ne nous paraît plus acceptable."
Seules deux des 133 personnes condamnées à mort depuis 1973 ont été exécutées, a ajouté M. Radi. La dernière exécution remonte à quatorze ans.
Naoufel Cherkaoui