- Un mémorandum sera adressé au gouvernement
- Objectif: le pousser à voter le moratoire de l’ONU
- Les 2/3 des condamnés à mort souffrent de maladies mentales
A l’approche du vote du nouveau projet de résolution de l’ONU sur la peine de mort, prévu en décembre prochain, les militants de l’abolition de ce châtiment suprême se serrent les coudes pour faire pression sur le gouvernement. Le but est de le pousser à voter le moratoire, après plusieurs abstentions. Surtout que le pays est abolitionniste de fait. En effet, la dernière exécution remonte à 1993 avec l’affaire Tabit, commissaire accusé de viol. Ainsi, le Réseau des parlementaires, celui des avocats et la Coalition marocaine contre la peine de mort comptent présenter au gouvernement un mémorandum. Ce document comporte un argumentaire favorable au vote de la nouvelle résolution. En attendant, Nouzha Skalli, porte-parole du Réseau des parlementaires contre la peine de mort a donné un avant-goût de la démonstration, lors d’une conférence de presse organisée hier à Rabat à l’occasion de la journée mondiale contre la peine de mort. «L’abstention du Maroc lors du vote de la résolution onusienne est en contradiction avec la Constitution de 2011 qui consacre le droit à la vie ainsi qu’avec les recommandations de l’IER et du CNDH», a-t-elle déploré. D’autant que «les 2/3 des condamnés à mort souffrent de maladies mentales, comme l’avait relevé l’OMDH dans sa dernière enquête réalisée dans les couloirs de la mort», a-t-elle rappelé. Sachant que certains d’entre eux étaient atteints bien avant leur détention. Pour convaincre, «ce collectif puise dans des rapports internationaux, qui ont confirmé que l’instauration du moratoire n’a aucun impact négatif sur la stabilité et la sécurité de la société».
En plus de ce mémorandum, ce mouvement associatif lance aussi une campagne de plaidoyer pour soutenir cette résolution de l’ONU contre la peine de mort. Il compte surtout sur les parlementaires pour changer la donne. Car, comme l’a rappelé la députée du PPS, «les parlementaires, représentants de la souveraineté nationale, doivent œuvrer en faveur de l’abolition de la peine capitale». Skalli s’est montrée optimiste, faisant valoir le plaidoyer mené par son réseau, qui a permis d’atteindre l’effet escompté. Ainsi, «les partis qui n’avaient pas inscrit cette question à leur ordre du jour de leur agenda se disent aujourd’hui favorables à l’abolition de la peine de mort», a-t-elle affirmé. En clair, les députés sont appelés à exercer leurs activités de lobbying afin de supprimer la condamnation à mort de l’échelle des sentences adoptées par le pays. Une proposition de loi a été déposée dans ce sens par le Réseau des parlementaires contre la peine de mort. Le texte qualifie cette sentence de «caduque étant donné que les systèmes pénaux modernes prônent plutôt l’insertion des coupables». Il propose l’amendement d’une série d’articles du code pénal, pour remplacer la peine de mort par la condamnation à perpétuité compressible, sujette à révision après une période de 25 ans. Mais le ministre de la Justice s’est montré à plusieurs reprises opposé à l’abolition de la peine de mort, estimant que la société marocaine n’est pas prête à franchir le pas. Pour le convaincre de la nécessité d’emprunter le chemin des 98 pays «abolitionnistes de droit» pour tous les crimes, Nouzha Skalli n’a pas hésité à comparer le Maroc à des pays voisins en difficulté comme la Tunisie et l’Algérie, qui ont déjà adhéré au moratoire de l’ONU. Aujourd’hui, «Rabat se retrouve au même stade qu’un pays comme l’Afghanistan qui s’est abstenu d’adopter la résolution onusienne après plusieurs années de réticence», a-t-elle dit. Pour elle, le Maroc mérite d’être parmi les premiers pays de la zone arabo-musulmane à franchir le pas. En tout cas, «l’abolition de la peine de mort dépend de la volonté politique. Abderrahim Jamai, coordonnateur de la coalition marocaine contre la peine de mort, est du même avis. Pour lui, «ce chantier est nécessaire pour le développement des droits de l’homme. D’autant plus que «cette sentence ne constitue pas un moyen dissuasif».
Protocole
Le mouvement associatif reproche au gouvernement sa réticence à la ratification du 2e protocole facultatif se rapportant au Pacte international relatif aux droits civils et politique. A fin juillet dernier, ce dispositif, qui engage les Etats à abolir la peine de mort en toutes circonstances, a été ratifié par 81 pays.
Hajar BENEZHA