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Derniers chiffres officiels

113 condamnés à mort attendent leur exécution dans les "couloirs de la mort" au Maroc (2014)
En 2012, 6 peines de mort ont été prononcées au Maroc et 10 en 2013.

Une situation en totale contradiction avec :

  • - les engagements pris par le Maroc avec les instances de droits de l'Homme,
  • - les recommandations de l'Instance Equité et Réconciliation (IER)
  • - la nouvelle constitution qui se réfère au droit à la vie et au droit international.

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Nouvelle constitution marocaine

EXTRAITS

Article 20 : “ Le droit à la vie est le droit premier de tout être humain. La loi protège ce droi t”.

Article 22 : “ Il ne peut être porté atteinte à l’intégrité physique ou morale de quiconque, en quelque circonstance que ce soit et par quelque personne que ce soit, privée ou publique. (...) ”

Abolition !

Le Maroc sera-t-il le second pays arabe (après Djibouti) à abolir la peine de mort? Le royaume pratique depuis 1993 (date de la dernière exécution) un moratoire de fait.
Le débat
est lancé. Juristes, syndicats et partis politiques sont interpellés. Les associations plus que jamais mobilisées.
Le Maroc renforcera-t-il encore son image de pays soucieux des droits de l'homme en abolissant définitivement la peine de mort ?
liste des articles -

ACTU

L'Afrique en marche vers l'abolition. Le Burundi et le Togo abolissent. Le Kenya commue toutes les condamnations à mort (4000). Le Gabon a définitivement aboli la peine de mort (loi votée en février 2011), suivi du Bénin (en août 2011).

Ailleurs : Les élus du Sénat et de la Chambre des représentants du Maryland (Est des Etats-Unis) devraient voter dans les prochains jours une proposition de loi visant à abolir la peine de mort(fév/mars 2013) 

En Tunisie, bien qu'ayant signé le 20 décembre 2012, avec 109 autres Etats, le moratoire des Nations Unies sur l'application de la peine de mort, la Tunisie continue à condamner à mort. En février 2013, le 12 fév 2013, la chambre criminel de la cour d'appel de Sousse condamnait le tueur en série Kamel Lahouel.

En Algérie, la Commission nationale consultative des droits de l'homme (CNCDDH) reçoit en nov. 2011 le feu vert de la présidence de la République pour entamer un programme national devant aboutir à l'abolition de la peine de mort dans la législation algérienne. Mais pourquoi cette proposition de référendum ?
Au Maroc, le mouvement du 20 février demande l'application des recommandations de l'IER dont l'abolition de la peine de mort. Un Collectif d'ONG appelait en mai 2011 le gouvernement à adopter l'abolition de la peine de mort et à l'inscrire dans la constitution. La Coalition mondiale contre la peine de mort a tenu son assemblée générale du 24 au 26 juin 2011 à Rabat.Le texte intégral de la réforme de la constitution proposée.
Art. 20 : "Le droit à la vie est le droit premier de tout être humain. La loi protège ce droit".
 

- Le Réseau des parlementaires abolitionnistes ont annoncé officiellement, le 4/04/13 lors d'une rencontre avec Laurent Fabius, ministre français des Affaires étrangères, leur participation au 5ème Congrès mondial contre la peine de mort  organisé par ECPM à Madrid du 12 au 15 juin 2013.  

Mai 2014 : Les détenus franco-marocains emprisonnés au Maroc ne sont plus transférés en France en raison de la suspension des accords de coopération judiciaires entre les deux pays. Ils envisagent de recourir à la grève de la faim pour être entendus. Parmi eux, plusieurs se disent victimes de tortures. Le Maroc semble craindre pleuvoir les plaintes pour torture, après l'affaire des plaintes contre le chef de la DGST Abdellatif Hammouchi

- La peine de mort en 2012 : la carte du monde

29 juillet 2003 2 29 /07 /juillet /2003 00:00

Dans le couloir de la mort

La petite ville d’Azemmour avait fait les frais d’une bande de fous de la trique qui avaient sévi dans le milieu des jeunes adolescents. Il y a dix ans, tombait un policier qui avait défrayé la chronique pour viol et séquestration de mineurs livrés à eux-mêmes.
Une affaire d’homosexualité qui avait aussi traumatisé un bon nombre d’enfants qui aujourd’hui encore gardent un souvenir sombre de ces hommes qui abusaient d’eux.
A l’époque, Arbad Bouchaïb, policier de son état, a été écroué et condamné à mort. Le chef d’inculpation était lourd puisque l’ex-policier était aussi accusé d’abus de pouvoir pour obliger les mômes à venir dans sa chambre. Aujourd’hui, Arbad Bouchaïb ne nie rien de ce qu’on lui a reproché. Il dit avoir eu plusieurs rapports avec des mineurs, mais refuse toujours d’endosser tous les crimes des autres qu’on lui a «collés à la peau» comme si j’étais un monstre ou un sac à merde où ils avaient fourré toutes leurs affaires en suspens ”.


Amer et résigné
. Quand il est entré dans la pièce qui sert de lieu de rencontre avec les condamnés à mort de la Prison centrale de Kénitra, Arbad Bouchaïb avait ce regard qu’ont tous ceux qui en veulent à la vie. Ceux qui ont la conscience lourde, le cœur plein de remords et de regrets et qui ne trouvent aucune voie pour expier le mal d’hier ni guérir leurs propres blessures et surtout les fêlures causées aux autres. Le regard est éteint. On devine que Bouchaïb n’avait pas fixé quelqu’un dans les yeux depuis des années. Son œil est fuyant, bas, résolument ancré dans le passé, loin de ce jour où il devait tomber, laisser derrière lui des années de plaisir au milieu de corps d’éphèbes qu’il remodelait, façonnait et qui lui servaient de passeport pour le paradis des sens. On peut dire, à voir tituber cette silhouette frêle et pleine à craquer des vicissitudes de la vie, que Arbad Bouchaïb revient de l’enfer. Il n’y a pas l’ombre d’un doute, les traits sont striés avec des souvenirs qui en disent long sur la longue et inévitable chute vécue jusqu’à travers les fibres intimes de son âme.
L’enfer, c’est comment ? Cela ressemble-t-il à ce que l’on évoque dans les livres, avec ses chaudrons crépitants et ses mers de feu ? On aurait pu poser la question à cet homme et obtenir une réponse qui aura toute notre adhésion, notre croyance sincère, notre compassion de ce que l’on ne sait pas mais que l’on devine, par ricochet, sous les pensées des autres. Non, son enfer avait ce visage hideux composé de fragments d’autres figures sans noms, des dizaines de bouches qui implorent ou disent leur silence dans des rictus étranges. L’enfer selon Arbad avait la couleur délavée des mauvais rêves, une méduse en faction devant la porte et des têtes de serpents rongeant le cœur même des beaux jours.
Bouchaîb ne se doutait pas que lorsqu’un jour les délices de la chair allaient devenir feu calcinant, sa tête à lui serait celle, méconnaissable, d’un véritable satire qui se rira de lui-même jusqu’à la fin des temps… La tête en question est aujourd’hui longue, presque chevaline, le regard torve, la bouche édentée depuis cette époque où le mauvais alcool coulait à flots sur les flancs d’éphèbes langoureux. Il s’excuse de venir nous parler comme si toute initiative, tout mouvement qu’il entreprend devenait suspect. Et il ponctue chaque geste d’un “je ne sais pas…” qui était le fond même de ce qu’il vivait dans sa cellule. Le manque de clarté, le flou, la méconnaissance, l’ignorance de soi, de tout, de ce qu’il a été et de ce qu’il ne sera plus jamais. Cet homme est défait, décomposé, bouffé à vif par les vers de la culpabilité. Et si un jour toute la terre venait à oublier ses crimes, lui seul aura encore tout un désert à traverser avec des pancartes à chaque pas lui rappelant ce qu’il a fait.
Arbad Bouchaïb qui a fêté ses quarante ans le 4 août dernier derrière les murailles hautes peintes en jaune sale de la Prison centrale de Kénitra est un véritable Zemmouri. Une fratrie de sept frères et sœurs, un père aujourd’hui mort, le cœur plein de chagrin et une mère toujours vivante qui combat la honte et essaye de faire comme si tout cela n’a été qu’une mauvaise farce du destin. Son enfance s’est déroulée à Bab Laâguiba au milieu de gamins aussi insouciants que frétillants de vie qui n’avaient en tête que la rue, le jeu et les mauvais tours. Il n’a jamais été un mauvais garçon, il n’a jamais été porté sur les bagarres, les accrochages avec les autres. Un tantinet docile, il voulait être dans les bonnes grâces des autres, ne pas s’attirer la rancune de qui que ce soit pour tirer son épingle du jeu. On imagine ce gringalet de dix ans courant dans les ruelles pourries d’Azemmour, pieds nus et la tête dans le fleuve où il allait passer la majeure partie de la sainte journée. L’école était un lourd fardeau qu’il fallait porter le plus loin possible sans trop se fouler. Ca passe ou ça casse et si tout venait à capoter, il n’y a aucune place au remords : “je n’ai jamais été très doué, mais je faisais ce que je pouvais pour passer d’une classe à l’autre jusqu’au baccalauréat”. Faire ce qu’il fallait au cas où il serait un jour obligé de compter un peu sur ces vieux cahiers déchirés qu’il jetait à terre avant d’attaquer une course fébrile derrière d’autres gamins ou une partie de football entre copains devant l’école boudée. Pourtant, l’école reste un souvenir vivant dans la mémoire de Arbad Bouchaïb, avec ses zones d’ombre et de secrets qui ne seront jamais dévoilées…

Le feu de la chair

Entre le cours de mathématiques, où il s’ennuyait en comptant les mouches, et le cours de français qu’il appréciait un peu plus, mais juste ce qu’il faut, où il regardait hagard les mots nouveaux danser devant ses yeux, il y avait cette éternité de la vie qui l’écrasait de tout son poids et surtout l’ennui qui le taraudait jusque dans son corps comme une lame d’acier brûlante. “Je ne pensais qu’à une chose, mon sexe que je découvrais à l’adolescence”, dit Arbad Bouchaïb. C’est l’époque où les copains font des exercices de comparaison entre eux, des concours sur la base de la longueur et de la rondeur et où l’on rigole de cette chose amorphe et si étrange plantée par la nature entre les jambes des mâles et qui souvent, très souvent leur fait mal.
C’est aussi l’âge où Arbad Bouchaïb rêve d’un ailleurs qui le mènera loin de sa ville pour vivre d’autres plaisirs. Bouchaïb était perdu entre son corps et ceux des autres gamins qui évoluaient autour de lui. Il ne comprenait pas ce qui lui arrivait, pourquoi il se raidissait à la vue d’autres garçons alors que ses semblables n’avaient de cesse de s’épancher sur les rondeurs des fillettes et les poitrines naissantes des voisines. “Très tôt, c’est venu. Je ne sais pas comment. C’est Dieu qui décide de tout ça. Moi je ne faisais qu’obéir à mon corps”. Oui, ce corps qui nous dépasse, nous entraîne dans des abysses que lui seul connaît, cet ensemble de chair, de sang et de nerfs qui bouillonne, fulmine et décide de lâcher son dard sans crier gare. Oui, Bouchaïb était pris au piège de sa chair qui lui demandait plus qu’il ne voulait ou pouvait donner. Et pourtant comment dire non, comment se rebiffer, refuser d’obéir ? Sodome et parfois Gomorrhe. En 1987 Bouchaïb est arrivé malgré tout au baccalauréat. Il est alors âgé de 24 ans. Oui, c’est possible puisqu’il était aussi un redoublant, un cancre presque, un dernier de la classe qui grappillait des points en plusieurs années alors que le reste des élèves passait l’année haut la main. A vingt quatre ans, d’autres sont déjà enseignants sans être des génies, lui il a pris le temps de suivre son rythme. “je n’étais pas fait pour les études, lâche-t-il écoeuré de tout ce temps perdu, un sourire nerveux sur les lèvres. C’était clair dès le début, mais je ne pouvais pas laisser tomber. Il fallait aller au bout”.
Au bout de lui-même, c’est-à-dire redoubler presque toutes les classes, revenir chaque année à la case départ, la honte au front. Et c’est là l’un des drames de cet homme. Déjà jeune, il devait apprendre à biaiser avec la honte et l’image qu’il se renvoyait à lui-même. Puis avec les jours et les nuits qui défilaient, il a fallu surtout faire en sorte que la honte cesse, soit transmuée en autre chose de presque inqualifiable. Alors arrivait le temps de l’alcool. Il y noyait son remords, faisait couler sa honte par les goulots et s’oubliait dans l’étanchéité de l’esprit. Comme si un compartiment de son être était impénétrable. On fait table rase de ce qui dérange et on s’occupe du présent, du maintenant, du plaisir : “c’était ce qui m’aidait à oublier que j’avais raté beaucoup de choses. Je buvais beaucoup à El Jadida, sur les rives du fleuve, avec les copains et on draguait les minets”. Et sur le chemin de la perdition, il découvrit les plaisirs de Sodome, de la chair masculine. Il avait un studio qu’il louait à peu de frais, se mit à y recevoir quelques bambins qui partageaient ses après-midi et ses soirées. Il préférait les garçons de treize ou quatorze ans, à la fleur de l’âge et s’arrangeait d’abord pour les inviter à prendre un pot, une bière fraîche, leur offrait à manger avant d’aller au lit. Il dit : “à cette époque, c’était toujours bien, car j’avais toujours un ami avec moi”. Et il nous décrit sa vie de jeunesse, à El Jadida, où “les touristes venaient dans cette ville car ils y avaient des amis. Toute ma clique allait avec des hommes. Ce n’était pas mal vu et même que certains gagnaient des sous en passant des nuits avec des touristes”.
El Jadida était et est toujours avec Azemmour la capitale, entre autres régions chaudes du Maroc, du plaisir et des nuits chaudes. On imagine des gosses pris dans les filets d’hommes plus sûrs d’eux, qui laissent voir de beaux billets de banque flambant neufs et qui étaient prêts à payer des sandwichs au merguez à tout le monde. La tentation est grande et les gamins se font la main ou autre chose et décident de ne plus passer à côté de “la belle vie”.
Bouchaïb laissait-il transparaître une pointe de nostalgie en se remémorant ses années de joie et de grande débauche ? A en croire ce visage constamment fuyant, ce regard absent, cette bouche torve et tordue, sans dents, rien n’est moins sûr. Plutôt une grande amertume et la honte, cette même sensation d’être sale sur laquelle il reviendra souvent. “Après, quand j’avais décidé de tout arrêter, je me sentais toujours en proie à un sentiment étrange de saleté et de malaise, s’épanche-t-il acculé pendant un moment face à la mémoire. Je ne savais pas pourquoi, d’ailleurs je n’ai jamais compris ce que j’avais”.
Toute une vie jusqu’à l’âge de trente ans à faire les 400 coups avec des mômes, des adolescents appâtés qui se laissaient toucher sans trop de résistance, tantôt apeurés par leurs propres réactions, ce corps qui se laisse aller devant la chaleur montante et incontrôlable, tantôt effarés par ce corps d’adulte rougi à blanc qui haletait et poussait des soupirs d’outre-tombe. Le souvenir du lycée Moulay Bouchaïb, qui lui rappelle son propre nom sanctifié par le dos tourné au savoir, est loin derrière. C’est plutôt un mauvais souvenir, une page que l’on tourne et que l’on oublie.

Le flic et le pouvoir

De 1987 à 1990, ce sont les années folles, les années sombres, les années du danger , les années de la chair qui se consume sous des feux venus des entrailles. Bouchaïb est alors au summum de son art, il est le maître de son patelin, l’homme qui frappe et qui tourne le dos, l’émir pédophile qui ne pense plus à rien d’autre. “Je n’avais que cela et le temps à tuer. Je passais des concours pour trouver du boulot, sans succès. Ma famille commençait à s’inquiéter mais elle ne se doutait de rien du tout. Tout se passait dans le secret et sans violence”. Mais où débute celle-ci et où finit-elle si jamais il y a une fin à la violence ? Inutile d’attendre une réponse de la bouche d’un homme aux multiples amnésies. Il ne sait plus dire que deux mots : honte et prière. Honte de tout et prière pour se laver de tout. Le chemin facile vers la rédemption ! Encore faut-il savoir où il mène et de quelle expiation il s’agit ? Lui, ne sait encore rien sauf ce que son corps continue de lui susurrer dans la noirceur des jours : “tu as pêché et tu dois trouver un moyen pour te faire pardonner. Alors prie Dieu et tais-toi”. Mais le silence n’arrange pas les choses puisque très vite dans le quartier, les langues se délient et on commence à douter des fréquentations de ce jeune chômeur qui n’aime que les garçons. Parce que les filles étaient toujours de simples monnaies d’échange, des pièces de rechange, des sauf-conduits pour tromper le sort. Le flic et le pouvoir.
Puis, au fil des mois de cette vie décousue qui allait durer trois ans, où sans travail, vagabond, il allait errer dans la nuit totale, toucher le fond, racler l’amertume des êtres, Arbad Bouchaïb devint peu à peu violent avec ses partenaires, glissant dans la vague des plaisirs durs. Il ne séduisait plus mais il chassait les hommes, prenait un malin plaisir à choisir une proie difficile, qu’il asservirait mieux, la victime qu’il terroriserait pendant de longues heures, parfois de longues journées car beaucoup de ceux qui tombaient dans les filets du futur policier devaient endurer un calvaire qui durait trois, quatre ou même sept jours… “Non je n’ai jamais été violent. Non, jamais.” Il n’en démordra pas. Il jurera ses grands saints qu’il y allait doucement, tout en misant sur le verbe mielleux et les gestes gentils. Pourtant, il y a eu des plaintes pour violence et séquestration de gamins, retenus malgré eux dans une chambre où ils devaient voir défiler derrière eux, sur eux des hommes, la moustache bien en place et la barbe rasée la veille. “Les gens ont gonflé les événements. Je n’ai jamais dit que je ne sautais pas les mômes, mais je n’ai jamais frappé ni retenu qui que ce soit malgré lui. Ce sont des mensonges. Et c’est cela qui me fait le plus mal. Parce que moi, je n’ai jamais joué le jeu de tout nier en bloc, j’ai toujours dit ce que j’avais fait, mais je ne peux pas accepter que l’on me mette sur le dos tous les autres crimes que je n’ai pas commis”. Là, l’homme change, le visage brunit, le regard se lève à peine et la bouche tremble sur le vide sans dents. Il crie presque et refuse encore une fois de lever les yeux et de nous dire en face, les yeux dans les yeux, qu’il était presque innocent de certains crimes… Le pédophile va à El Jadida, un beau matin de l’année 1990 et passe un concours pour intégrer les services de la police. Il réussit. Miracle.
Le paresseux de la classe, celui qui a usé les bancs de classe à force de ne pas vouloir trop changer de classe, enlève le concours et se voit promu à un autre rang social. Quelle transition dans la vie d’un type qui se prenait pour un looser sauf quand il était en train d’allécher un môme avec une gorgée de bière et un beau sandwich ! Policier ! Quelle fierté pour la famille qui croit que le gosse perdu avait trouvé une voie à suivre. On est donc rassuré : “j’étais heureux et je me disais que ça y est, il fallait tourner une page. Je voulais couper avec les anciens amis qui étaient toujours là à vouloir m’emmener avec eux pour draguer, faire d’autres coups.” Cela sonnait faux, il y avait quelque chose dans la voix qui ne collait pas aux mots, leur donnait une teinte tronquée. Et si c’était là que le pédophile, devenu flic, pensait faire carton plein ? Et si c’était à ce moment-là que la porte de la joie avait ouvert grands ses volets ? Et si c’était la griserie du pouvoir naissant qui lui donnait des ailes pour aller ramener du beau gibier sans casquer ? Et si encore c’était l’uniforme, le bel uniforme de monsieur l’agent qui allait désormais faire tout le boulot, les préliminaires et tout le reste ? “Oui, les gens ont dit après le procès que j’usais de ma position pour faire peur aux gens, les menacer de ne rien dire pour continuer à faire mes trucs. Oui, tout le monde peut le penser, mais ce n’est pas vrai ”.
Pourtant là encore, il y a eu des enfants qui avaient attesté avoir été menacés, avoir eu peur de cet uniforme synonyme pour eux de silence, de mutisme absolu même devant Dieu le jour du grand jour. Pourtant, il y a les familles qui accusent, les voisins, les copains, les connaissances, d’autres flics, bref, la coupe était pleine et Bouchaïb le saint en uniforme voulait la vider sans sourciller.
Trois années de bons et loyaux services pour aller défoncer le sort, lui rouler des yeux, lui casser la gueule de temps à autre et s’il n’était pas content lui dire d’aller voir la police !!! Bouchaïb assure, se fait un beau tableau de chasse avec d’autres copains qui eux aussi trouvaient leur compte dans cette promotion presque pré-écrite qui leur assurait une vie de plaisirs interdits sans se faire du souci, puisque la police c’était aussi eux ou presque puisque l’ami des grands coups, des nuits à fourrager dans les nacelles de l’adolescence, était monsieur l’agent que tout le monde saluait, le respect dans le regard.
Les garçons tombaient facilement, impressionnés. “Oui, même après avoir endossé l’uniforme j’ai continué à sortir avec des garçons, mais je voulais arrêter. Il y avait juste les anciens copains qui ne me laissaient pas tranquille”. Il paraît que dans ce tas d’anciens amis de fortune, il y en avait un qui le menaçait de tout dégoupiller s’il ne le laissait pas ramener des gamins chez lui, dans sa chambre, dans la maison familiale, avec la mère, les sœurs et les frères juste là derrière la porte ne se doutant de rien. “Oui, on m’a menacé de tout dire, alors j’ai cédé des fois. Il m’est arrivé de partir au travail en laissant des amis avec des garçons dans ma chambre”. On imagine cette famille dont l’un des fils est un policier. Alors plus personne n’a plus le droit d’ouvrir la porte sacrée de sa chambre. On n’ose même plus faire de bruit de peur de déranger monsieur l’agent qui peut piquer sa crise et rouspéter qu’on l’a dérangé alors qu’il était occupé à résoudre un sérieux problème de désordre public !!

La chute est dure, monsieur l’agent

“j’avais trouvé une bonne place à la Cour d’appel d’El Jadida. J’avais une vie bien, de bons collègues qui ne savaient rien de ce que je faisais jusqu’au jour où c’est tombé comme une malédiction”. Bouchaïb est de ceux qui pensent que le mal finit toujours par éclater en petits morceaux pour éclabousser d’abord celui qui l’a fait et puis tout le reste, l’entourage, la famille, les amis… A cette époque, Bouchaïb, sachant qu’il était un peu sur le fil du rasoir, voulait masquer le tout par un mariage. Il décide alors de se marier avec n’importe quelle épouse qui fera office de vitrine sociale, de succédané en cas de crise : “Il n’y avait que le mariage pour calmer les choses. Cela m’aurait permis de tourner peut-être la page”. Il espérait balayer le passé, les gamins, les jeunes éphèbes qui venaient remplir son lit, les nuits de beuverie et de plaisirs charnels. Une femme ? Pourquoi pas. Il n’y a pas meilleure couverture sociale pour tuer le doute, calmer la curiosité des autres, biaiser encore une fois avec la vie. Entre temps, les petites frappes à gauche et à droite faisaient leurs petites besognes comme si de rien n’était.

Le début de la fin

Bouchaïb assurait le logis et les copains ramenaient des enfants, des adolescents chez lui. C’est par une matinée pas comme les autres en 1993 que tout devait éclater au grand jour : “deux copains sont venus me voir avec d’autres gamins. Ils m’ont dit qu’ils voulaient faire la java. J’ai accepté et on a fait la fête. Mais le lendemain il a fallu que j’aille travailler. Je les ai laissés à la maison, dans ma chambre. Ils y sont restés quelques jours. Puis ils sont partis. Moi, je ne me doutais de rien. Je pensais que c’était comme toutes les autres fois où l’on avait fait ça avec d’autres types. Mais c’était cela le début de la fin”. Parce que dans le tas des gamins qui y sont passés ce soir là et les autres trois jours de sexe intense, il y avait un gosse qui n’avait pas la conscience tranquille ou qui avait très peur de ce qui venait de se passer. Il rentre chez lui, déballe tout à la famille, raconte les nuits de sodomie dans les détails, évoque le flic en uniforme chez qui tout s’est déroulé… La famille qui voit de très près que le corps de son enfant avait légèrement changé, porte plainte et la police se saisit de l’affaire. “On a arrêté un des copains qui était chez moi l’autre nuit avec ce gamin qui a tout raconté. Il a tout avoué et les flics sont remontés jusqu’à moi. Et c’était là, la la honte de toute ma vie. Ma famille ne savait plus où se mettre, le quartier parlait, mes collègues policiers me regardaient de travers. C’était ma fin”. Dans le quartier on se rappelle encore de cette histoire que l’on détaille comme si c’était hier : “oui c’étaient des fous qui enfermaient des gosses et leur faisaient des choses pas bien”, raconte une voisine qui en savait long sur toute cette histoire. On nous montre alors la maison de l’un des gosses qui avaient précipité la chute de la bande à Arbad, mais le jeune homme était intouchable. Normal, c’est un lourd fardeau qu’il traîne sur le dos et qu’il voudrait garder pour lui tout seul : “non, rien à dire”. Sec, le visage noir de colère. Pas la peine d’essayer de savoir plus de choses auprès des autres familles qui sont venues un jour au tribunal avec leurs progénitures confondre les pédophiles. Arbad fut donc emmené par ses collègues qui ont travaillé avec lui et ne savaient rien de lui : “je ne savais pas où me mettre quand je les voyais venir pour m’emmener au tribunal. C’étaient tous des copains. Ils faisaient semblant de ne pas m’en vouloir, mais je savais qu’ils étaient très furieux”.
Pire encore, de passage au tribunal à El Jadida, c’est un juge qu’il connaît, qui le voyait toujours en poste au tribunal qui le juge. Arbad est laminé, découpé en millions de petits morceaux. La suite n’est qu’une succession de problèmes : “le mari de ma sœur l’a congédiée en lui disant qu’il ne pouvait garder pour femme une fille dont le frère est un pédophile”. Ce drame survenu à sa sœur le torture plus que tout : “non seulement j’ai foutu ma vie en l’air, mais celle de ma famille est entachée de honte jusqu’à la fin de notre vie à tous. Et vous savez ce que c’est au Maroc”.
Quand la police est venue perquisitionner chez lui, ils ont trouvé des cassettes pornographiques qui avaient participé à alourdir la peine. Arbad ne faisait pas dans le détail, mais aimait faire le grand show, offrir à ses potes de beaux exemples à suivre sur des bandes enregistrées. On trouve aussi une balle de pistolet, une balle appartenant aux services de police qui était restée dans son pantalon : “nous étions en stage et j’avais mis cette balle dans mon pantalon. Je l’ai ensuite oubliée jusqu’au jour où les policiers l’ont trouvée. Ceci a aggravé mon cas”.
Eh, oui, on a alors pensé à toutes sortes de théories : Arbad qui montre la balle à des mômes pour leur faire peur, Arbad qui l’utiliserait même pour ses petites besognes en jouant avec les corps des enfants, bref, tout un programme qui fait encore rire aujourd’hui dans le quartier. Dans le tribunal, les choses s’éclaircissent très vite. Bouchaïb sombre dans le mutisme alors que des dizaines de doigts le pointent. Ses copains avouent, lui, reste plongé dans son mutisme. Les familles sont là qui crient, les gosses sodomisés sont là prêts à raconter, lui, ne bronche pas.
Motus et bouche cousue jusqu’au jour du jugement dernier. Le juge est implacable. Peine de mort. Bouchaîb est dans le trou. Il le sait. Et quand il débarque à la Prison centrale de Kénitra, c’est là que la vie commence. “Dur, très dur. Les prisonniers savaient tout et me pointaient en disant que j’étais un sadique de première heure. C’était la galère au début. Maintenant, les choses sont plus calmes. Ils ont vu que j’ai changé, que je faisais toujours ma prière pour me faire pardonner, alors ils me laissent un peu tranquille”.
La prière va donc le sortir du trou ? Oui, il en est sûr. Il tente par tous les moyens de trouver le pardon, d’oublier ce qu’il a fait aux autres, d’autres garçons qui seront marqués à vie et qui pourraient mal tourner. Quand on lui pose la question, il reste muet. Puis tout à coup, il éclate : “personne n’a dit la vérité devant le tribunal. Non, personne”.
Arbad revient sur ses crimes encore une fois, en assume la plus grande partie et refuse encore d’admettre d’autres accusations. Comme si cela pouvait changer quoi que ce soit au fait que les victimes sont dix ou cent. Lui pense que c’est là toute la différence et vit avec l’idée qu’il n’était pas coupable à cent pour cent. Un arrangement comme un autre. Mais quand il se lève pour regagner sa cellule, il lève le regard vers le ciel puis baisse les yeux et dit qu’il est un peu en paix. Tant mieux.
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17 juillet 2003 4 17 /07 /juillet /2003 00:00

RABAT (AP) - Les autorités marocaines ont annoncé jeudi que plus de 700 islamistes faisaient actuellement l'objet de poursuites judiciaires dans différentes affaires de terrorisme à travers le pays, dont celle des attentats de Casablanca du mois de mai dernier.

Le ministre marocain de la Justice Mohammed Bouzoubaâ a indiqué, dans une déclaration en marge du Conseil de gouvernement, que " le nombre total des accusés dépasse 700 personnes et que tous les dossiers sont traités par les tribunaux du royaume d'une façon ordinaire, de manière à ce que les accusés bénéficient de toutes les garanties pour que les procès soient justes et équitables ".

La grande majorité des accusés est liée à " Al Salfia Al Jihadia " ( le salafisme combattant), un groupuscule appelant au djihad contre " un Etat et une société impies ". Ils sont, en général, poursuivis pour constitution de bande criminelle et tentative d'assassinat. Dix d'entre eux, baptisés "émirs de sang" par la presse marocaine et impliqués dans des meurtres d'inspiration religieuse à Casablanca, ont été condamnés la semaine dernière à la peine de mort.

Les membres d'un autre groupe, tout aussi médiatisé, dit groupe " Abou Houdaifa ", du nom du doyen des Marocains d'Afghanistan, qui a côtoyé le chef des gardes du corps de Ben Laden, comparaissent depuis mercredi dernier devant un tribunal de Casablanca. On leur reproche des liens avec le mouvement Al Qaïda et des prêches extrémistes auxquels auraient assisté certaines personnes impliquées dans les attentats de Casablanca.

Le procès des 27 accusés impliqués directement dans les attentats de Casablanca, qui ont fait 44 morts, dont 12 kamikazes, débutera le 21 juillet.

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9 juillet 2003 3 09 /07 /juillet /2003 00:00

CASABLANCA (Maroc) - Le procureur de Casablanca a requis mercredi la "peine maximale" contre 3O membres présumés du groupe intégriste Salafia Jihadia, ce qui correspond, selon les avocats de la défense, à une demande de peine de mort pour une dizaine d'entre eux, a constaté l'AFP.

Les 3O prévenus sont des militants présumés de ce groupe, qui est impliqué dans les attentats-suicide du 16 mai à Casablanca, mais qui avaient été arrêtés avant ces attaques. Une autre personne, jugée dans ce même procès ouvert le 4 juillet, comparaît en liberté provisoire.

"Je réclame la peine maximale pour les 30 inculpés car nous sommes en face d'une bande criminelle qui cherchait à déstabiliser le Maroc et à porter atteinte à l'islam", a déclaré le procureur dans son réquisitoire devant la chambre criminelle de la cour d'appel de Casablanca, qui statue en première instance.

Il n'a pas précisé les peines demandées individuellement pour les inculpés, mais les avocats de la défense ont indiqué à l'AFP qu'il s'agissait d'une requête de peine de mort qui concerne jusqu'à onze inculpés, ceux qui sont poursuivis pour "homicide volontaire", passible de la peine capitale.

Les autres prévenus, inculpés notamment pour constitution de bande criminelle et pour diverses agressions, encourent de lourdes peines de prison, a-t-on précisé.

Les avocats de la défense devaient commencer leurs plaidoiries dans la soirée de mercredi.

Le procureur a affirmé que les pièces à conviction présentées mercredi devant le tribunal prouvaient que les prévenus comptaient effectivement "perpétrer des attentats contre des biens juifs et des sites touristiques au Maroc".

Le ministère public avait présenté un assortiment de couteaux, coutelas, épées, deux carabines, des menottes, des cagoules, des téléphones portables, des explosifs et une tenue de gendarme qui auraient servi dans diverses agressions.

Lors de leur audition, les prévenus ont tous nié les charges dont ils sont accusés à l'exception de Youssef Fikri, baptisé "l'émir du sang" par des journaux, qui a reconnu avoir "tué les ennemis de Dieu".

Youssef Fikri a été expulsé à trois reprises de la salle d'audience après des altercations avec le président de la Cour, et notamment après avoir affirmé que le procès en cours n'était qu'une "pièce de théâtre montée par les services de renseignements".

Lundi, les accusés avaient protesté contre des sévices qui leur auraient été infligés pendant les interrogatoires de police. La plupart des prévenus ont affirmé n'avoir jamais entendu parler de la "Salafia Jihadia" avant leur arrestation.

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CoalitionsMaghreb

LE MAROC
Née le 10 octobre 2003, la Coalition Nationale pour l'Abolition de la Peine de mort au Maroc (CNAPM) rassemble aujourd'hui 7 ONG :

L'Observatoire Marocain des Prisons / L' AMDH / Le Forum marocain pour la Vérité et la Justice / L'OMDH / Le Centre pour les Droits des Gens (CDG) / L'association des barreaux d'avocats au Maroc / Amnesty International section marocaine.
LA TUNISIE
a également sa Coalition nationale contre la peine de mort, fondée à Tunis le 14 juin 2007 par 7 ONG de défense des droits de l'Homme et une centaine de personnalités des arts, du spectacle et des lettres.
article

 

 

 

 

 

L'ALGERIE
Le 10 octobre 2009, la LADDH (Ligue algérienne de défense des droits de l’Homme) crée l'Alliance algérienne contre la peine de mort. Un premier pas vers l'abolition !

 

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Algérie, Tunisie, Maroc.
Qui abolira en premier ?

* L'Algérie est le seul pays arabe à avoir voté pour la résolution en faveur d'un moratoire sur la peine de mort adoptée par l'Assemblée générale des Nations unies le 18 décembre 2007

* La Tunisie. Le président Ben Ali s'était engagé à ne jamais signer l'exécution d'un condamné à mort (interview du Figaro Magazine, nov. 2007). Le gouvernement de transition a annoncé qu'il allait signer le 2ème protocole facultatif se rapportant au Pacte international relatif aux droits civils et politiques, visant à abolir la peine de mort .

* Le Maroc Le mouvement du 20 février demande l'application des recommandations de l'Instance Equité et Réconciliation comprenant l'abolition de la peine de mort. Le Conseil national des droits de l'Homme (CNDH) mis en place par le roi en mars 2011 devrait agir en ce sens.  

 

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Etat des lieux de la peine de mort au Maroc (vidéo)  http://www.dailymotion.com/video/xl8sln_mustapha-znaidi-au-rassemblement-de-soutien-a-troy-davis-a-paris-21-09-2011_news 

 

TORTURE / Sur les 141 pays au monde accusés par Amnesty International de pratiquer la torture, le Maroc figure parmi les cinq États où la pratique de la torture est la plus systématique.

Hchouma !

 
Top 5 des pays exécuteurs : Chine (2400 exécutions!), Iran, Irak, Arabie saoudite, États-Unis  (2013). 
La Chine, l’Iran et les États-Unis ont constamment figuré sur la liste des 5 pays ayant exécuté le plus grand nombre de prisonniers depuis les six dernières années. La Chine est responsable, et de loin, du plus grand nombre d’exécutions.