Vis-à-vis des pays tiers, L’UE est «très active au niveau diplomatique avec de nombreuses démarches favorisant l’abolition de la peine de mort», assure Marek Skolil, le représentant de Bruxelles à Alger.
-L’Union européenne est très engagée dans le combat pour l’abolition de la peine de mort. Quelle appréciation fait Bruxelles sur l’évolution de ce combat dans le monde, depuis la proclamation de la Journée mondiale de l’abolition de la peine de mort qui coïncide avec le 10 octobre de chaque année ?
A l’heure actuelle, 141 Etats ont déjà aboli la peine capitale, ce qui équivaut à peu près les deux tiers des pays du monde. Au niveau international, la Convention internationale sur les droits civils et politiques accueille chaque jour de nouvelles signatures, dont nous nous réjouissons puisque son second protocole additionnel prévoit l’abolition de la peine de mort. Cependant, nous constatons avec regret que, sur le plan mondial, le nombre des exécutions a considérablement augmenté ces dernières années, notamment dans certains pays. Par ailleurs, nous restons vigilants par rapport aux retours en arrière observés dans certains pays, qui ont cessé d’appliquer le moratoire, quelquefois après plusieurs décennies, ce qui, fort heureusement, n’est pas le cas de l’Algérie.
-Des pays comme l’Algérie appliquent un moratoire sur la peine de mort mais sans aller jusqu’à l’abolition. Pensez-vous que les conditions d’une abolition sont réunies aujourd’hui en Algérie ?
Il n’y a aucun doute que le moratoire décidé par le président de la République de l’époque et respecté depuis plus de 20 ans reflète bien l’évolution du pays sur ce sujet, mais également la complexité de cette problématique dans le contexte algérien. Il s’agit d’un sujet extrêmement grave, qui ne peut être abordé que sur la base d’un authentique débat et d’une réflexion collective, d’une maturation respectueuse des sensibilités et des valeurs des uns et des autres. Ce qui est crucial, c’est de poursuivre ce débat sereinement, sans démagogie et dans l’espoir de faire évoluer les esprits et de pouvoir forger un large consensus. Un tel débat n’est pas seulement l’affaire de la classe politique, des juristes et des intellectuels, mais aussi de la société civile et de la société dans son ensemble.
-Ne craignez-vous pas que la montée des nationalismes en Europe remettra en cause l’abolition ?
Non, nous ne voyons pas de lien direct entre la montée du nationalisme dans certains pays de l’Union européenne et la peine capitale. Par contre, il est indiscutable que la carte de la peine de mort peut devenir, ici et là, très prisée par les partis populistes en manque d’agenda attractif pour le grand public. C’est pour cela que la haute représentante de l’UE pour les Affaires étrangères et le secrétaire général du Conseil de l’Europe profitent de la Journée européenne et mondiale contre la peine de mort pour mobiliser l’opinion publique et la communauté internationale sur ce sujet et pour avancer dans le bon sens.
-L’UE et ses Etats membres sont tenus par la Charte des droits fondamentaux de l’UE d’abolir la peine de mort. L’UE s’efforcera-t-elle de partager cet engagement dans le cadre de ses divers partenariats avec les pays tiers ?
L’abolition de la peine de mort est une valeur unanimement partagée par les pays membres de l’Union européenne, ainsi que par un nombre croissant de pays membres de l’ONU. De plus, l’abolition de la peine de mort constitue une condition préalable à l’entrée dans l’Union pour les pays candidats à l’adhésion. L’UE est très active à la fois au niveau diplomatique avec de nombreuses démarches encourageantes vis-à-vis les pays tiers et en soutenant des projets favorisant l’abolition de la peine de mort dans les nombreux pays (depuis 2012, plus de 7 millions d’euros ont été consacrés dans ce domaine). Il ne s’agit pas d’imposer nos valeurs, mais d’élargir la famille mondiale des pays qui ont décidé de bannir la peine capitale.
Propos recueillis par Hacen Ouali