Point hebdomadaire n°42
sur la campagne de parrainage des prisonniers d’opinion au Maroc
Spécial 1er anniversaire de la campagne
Ce numéro spécial est en même temps une sorte de 1er point annuel sur la campagne de parrainage car, comme vous le savez, nous avons rendez-vous ce soir pour souffler sa 1ère bougie. Pour celles et ceux qui seront présents parmi nous pour partager ce moment important, cette soirée sera l’occasion de rendre hommage à toutes celles et à tous ceux qui ont fait vivre cette campagne de parrainage et qui ont fait qu’elle devienne une réalité.
Pour tous les autres, nous leur faisons part de quelques éléments essentiels qui ont caractérisé cette campagne pendant cette année.
À son lancement le 17 novembre 2012, nous avions recensé 172 prisonniers politiques et d’opinion, répartis sur 8 groupes (Etudiants-UNEM, Sahraouis, Mineurs-Ouarzazate, Mineurs-Imider, Paysans-Chlihat, Mouvement social-Agadir, 20-Février et Belliraj-Islamistes). Au jour d’aujourd’hui, nous en avons 255 dont 194 purgent une peine d’emprisonnement et 61 attendent d’être jugés, soit en prison, soit en liberté provisoire.
Au cours de notre suivi hebdomadaire, nous avons pu relever la libération en fin de peine de 89 prisonniers politiques dont 4 femmes (Deux étudiantes à Fès, une militante d’ATTAC à Agadir et une islamiste du groupe Belliraj). Cela veut dire que, si on veut faire un différentiel entre les libérations d’une part et les arrestations et les poursuites judiciaires d’autre part, on constate –hasard des chiffres ou triste réalité des libertés démocratiques malmenées par l’État marocain, qu’il y a eu malheureusement en une année 172 nouvelles arrestations et poursuites judiciaires dont 4 autres femmes ( Une étudiante à Fès, la jeune Raja de 14 ans à Nador, la militante Fatiha Haloui du 20-Février de Casablanca et Amina Mourad, coordinatrice du mouvement des victimes des microcrédits à Ouarzazate). C’est énorme en un an. De 8 groupes, on est passé à 11 groupes, les huit déjà cités, plus le groupe de l’ANDCM à Zayou, le groupe Liberté d’expression où on a mis les journalistes, les syndicalistes et les journalistes, ainsi que le groupe Liberté individuelle qui concerne les victimes d’atteinte à la liberté de culte, comme ce citoyen, marchant ambulant de son état à Taounate, qui s’est converti au christianisme, ou encore ces jeunes citoyens de Nador et leurs soutiens, poursuivis pour « atteinte à la pudeur publique » après avoir posté sur internet des photos d’un baiser échangé à al sortie d’un lycée à Nador.
Parmi ces 255 détenu-e-s politiques et d’opinion, nous trouvons des femmes (8), des hommes (247), des jeunes (la plus jeune Raja n’a que 14 ans), des moins jeunes (le plus âgé, le Sahraoui Laâouissid a 62 ans), des étudiants (UNEM), des diplômés chômeurs (ANDCM), des militants du mouvement 20-Février, des militants de partis politiques et d’associations (PSU, PADS, VD, ATTAC, etc.), des syndicalistes (UMT, CDT), des militants des droits de l’Homme (AMDH, etc.) des journalistes (Ali Anouzla, Mustapha El-Hasnaoui, etc.), un avocat (Me Mohamed El-Massaoudi) ou tout simplement des citoyens ayant participé à des mouvements de protestation populaires comme à Marrakech en décembre 2012.
Ils ont tous pratiquement été condamnés ou poursuivis pour les chefs d’inculpation tels que « rassemblement armé non autorisé, violence et destruction de biens publics, agression sur agents de l’État pendant l’exercice de leurs fonctions, trafic de drogue, incitation au terrorisme et pour le cas d’Abdessamad Haidour à Taza, manque de respect envers la personne du roi qui relève du sacré ».
Leurs procès ont été entachés d’irrégularités selon les témoignages qu’on a reçus. Ça va des enlèvements qui durent quelques jours avant le procès avec passage sous la torture au centre clandestin de Temara (cas du groupe Belliraj), jusqu’à la signature d’aveux sous la contrainte, lesquels aveux sont les seules « preuves » utilisées pendant le procès (cas du groupe Gdeim Izik), en passant par les violations des droits de la défense, etc.
Les 255 victimes recensées aujourd’hui sont réparties, pour celles d’entre elles qui purgent une peine d’emprisonnement, sur les prisons suivantes : Ain Kadous à Fès, prison locale de Taza, Toulal 2 à Meknès, prison Boulamharez à Marrakech, prison locale d’Ait Melloul, prison locale de Benslimane, prison locale de Taroudant, prison locale de Tiznit, prison locale de Salé1 et de Salé2, prison locale d’Ouarzazate, prison locale d’Al-Hoceima, prison locale Oukacha à Casablanca, Prison centrale de Kénitra, prison Sept Villages de Tanger et les prisons locales de Dakhla et de Laâyoune au Sahara.
- S’agissant des parrainages, seuls 60 sur les 194 prisonniers politiques recensés ont été parrainés au cours de cette année. Ont-ils tous reçu des lettres de leurs parrains ou marraines ? Pas si sûr quand on sait que les lettres sont interceptées par les directions des prisons et ne sont généralement pas remises à leurs destinataires.
C’est pour cette raison que nous demandons aux participants au parrainage de mettre l’ASDHOM en copie. Cela nous permet de les publier sur notre site internet, ce qui en soi constitue une pression supplémentaire sur les autorités marocaines.
- Cette campagne a fait l’objet de 3 articles de presse : Au lancement, un article de l’AFP a donné le coup d’envoi. Il a été repris par plusieurs médias, notamment électroniques. Suivi ensuite d’un article du journal l’Humanité et d’un grand entretien paru dans le journal suisse « le Courrier ».
Trois bulletins de syndicats et de partis politiques en ont parlé (LRI du PCF, le journal du NPA et le bulletin du syndicat Solidaires).
- Les autorités marocaines et le CNDH ont été interpellés une dizaine de fois, à propos notamment des parrainés étudiants qui étaient en grève de la faim à Fès, Taza et Meknès : Une fois par un groupe de 4 eurodéputé-e-s (Marie-Christine Vergiat GUE, Ana Miranda Verts, Ana Gomes S&D, Willy Meyer GUE) suite à la conférence tenue le 17 avril 2013 au Parlement européen de Strasbourg à l’occasion de la journée internationale du prisonnier politique et à laquelle l’ASDHOM était invitée pour parler de la campagne de parrainage. Une ou deux fois par le député communiste Alain Bocquet. Plusieurs fois par le citoyen démocrate français Gilles Deloustal qui parraine tout le groupe des étudiants à Meknès. Plusieurs fois par Marie-José Fressard, présidente de l’association Solidarité Maroc 05 à Gap qui parraine le prisonnier politique sahraoui Hassan Bah. Plusieurs fois par la citoyenne suisse, Isabelle Maurer, qui sera présente à la rencontre de ce soir et qui parraine le prisonnier politique sahraoui Mohamed Bani.
- En plus de l’association Solidarité Maroc 05 qui parraine le Sahraoui Hassan Bah, publie tous nos points hebdomadaires et organise ce 19 novembre 2013 une rencontre consacrée à cette campagne de parrainage, d’autres associations se sont jointes à nous dans cette aventure humaine. Il s’agit de l’ATMF, qui parraine tout le groupe des mineurs syndicalistes d’Ouarzazate, de l’AMF qui parraine le groupe des étudiants de Taza, de l’association grenobloise Maroc Solidarités Citoyennes qui parraine le groupe des mineurs d’Imider à Ouarzazate, de l’ACAT qui a décidé dernièrement de parrainer tout le groupe sahraoui de Gdeim Izik se trouvant à la prison de Salé1 et, pour finir, de la Coordination Syndicale Méditerranéenne, basée en Espagne et animée par la CGT espagnole, qui a décidé de lancer une campagne internationale pour la libération des prisonniers politiques au Maroc en se basant sur nos points hebdomadaires traduits à l’Espagnol.
Nous lançons de nouveau notre appel pour renforcer encore plus cette campagne de solidarité et d’en faire un devoir envers les victimes derrière les barreaux des prisons marocaines, comme l’a si bien dit l’écrivain Gilles Perrault qui la parraine. Nous devons redoubler d’efforts pour convaincre d’autres parrains et marraines. Notre tâche ne sera pas des plus faciles quand on sait que les autorités marocaines vont tout faire, maintenant que le Maroc est devenu depuis peu membre du conseil des droits de l’Homme de l’ONU à Genève, pour tromper l’opinion internationale en lui vendant son discours habituel sur le respect des droits de l’Homme.
Bureau exécutif de l’ASDHOM
Paris, le samedi 16 novembre 2013