L’affaire Ali Anouzla était au cœur d’une réunion, dimanche soir à Paris, au cours d’une soirée organisée par Mediapart et Reporter sans frontières (RSF) pour revendiquer notamment « le droit de savoir » et la « liberté d’information ».
« D’abord je voudrais dire que Ali est totalement innocent des crimes qu’on lui impute, mais il est coupable d’autres crimes qu’on ne lui impute pas, mais qui sont considérés par le régime comme des crimes », déclare d’emblée Aboubakr Jamaï, journaliste et directeur de publication de la version francophone du journal électronique Lakome, lors de son intervention, dimanche soir au Théâtre de la Ville, à Paris, au cours d’une réunion organisée autour de la liberté d’information.
Initiée par le site d’actualité français Mediapart et RSF, la soirée, retransmise en direct sur le web, en streaming, a vu la participation de plusieurs « grands noms de la défense des libertés en tant qu’enjeu démocratique », dont Edgar Morin, directeur de recherche émérite au CNRS, Patrick Baudoin, président d’honneur de la Fédération internationale des droits de l’Homme (FIDH) et Jean-Pierre Mignard, avocat au barreau de Paris. Julian Assange, fondateur de Wikileaks était également présent en duplex.
Attaque contre la presse électronique
Dans son intervention, Aboubakr Jamaï, également ancien directeur de publication du magazine Le Journal hebdomadaire, a souligné que l’affaire Ali Anouzla ne concernait pas seulement Lakome, mais tous les acteurs de la presse électronique au Maroc. « Ali et moi-même sommes des grands brûlés de la presse traditionnelle. Nous avions été dans une vie antérieure des directeurs de journaux dans la presse traditionnelle. Et on nous a virés de ce champ-là », rappelle-t-il.
« La presse électronique est notre maquis, c'est là que nous avons trouvé refuge pour essayer de continuer à faire le travail que nous aimons et que nous pensons être essentiel pour notre pays. A travers l'attaque contre Ali aujourd'hui, c'est cette presse électronique qui voit le jour qu'on essaye de museler », estime Jamaï.
Il a ensuite souhaité conclure avec un dernier « un message à mes amis français ». « Nous sommes à peine audibles dans ce pays, et ce pour deux raisons majeures : c'est qu'il y a eu une « mamounisation » (ndlr : de l'hôtel Mamounia) poussée de certaines de vos élites, et cela est grave. La deuxième raison est que malheureusement, des anciens militants des droits de l'Homme qui ont décidé aujourd'hui de soutenir le régime marocain ont encore une certaine crédibilité auprès d'organisations des droits de l'Homme ici et arrivent à les anesthésier. Je vous prie de mettre fin à cette somnolence. Réveillez-vous », a plaidé le journaliste.
L'intervention d'Aboubakr Jamaï
Au cours de cette soirée, ayant été suivie par plus de 20 000 internautes selon Mediapart, plusieurs autres personnalités ont pris la parole, pour évoquer notamment la liberté de la presse au Maroc et ailleurs. Ali Anouzla, journaliste d’investigation marocain et directeur de publication de la version arabophone de Lakome, a été arrêté le 17 septembre dernier, à Rabat, suite à la publication d’un lien vers une vidéo d'Al Qaïda au Maghreb islamique, incitant à commettre des « actes terroristes » au Maroc. Il a étéinculpé, près d’une semaine plus tard, pour « aide matérielle, apologie du terrorisme et incitation au terrorisme » et risque aujourd’hui jusqu’à 20 ans de prison.
« Un tel aveuglement nous inquiète quant à l’avenir de la liberté de l’information au Maroc », avait alors déclaré RSF pour qui, « Ali Anouzla paie le prix de son indépendance, de sa liberté de ton, et de son combat pour la liberté de presse dans son pays ». Par Ghita Ismaili