Le procès du 11 septembre ! Voilà ce qu’est en train de devenir le procès du Français Zacarias Moussaoui en Virginie (Etats-Unis).
Si les jurés décident que Moussaoui est éligible à la peine capitale, alors commencera une ultime phase du procès, celle des « mitigations », des circonstances atténuantes. Alors la vie du Français (lire l’article de Sébastien Poulet-Goffard) sera étalée sur la place publique, ses avocats (dont le Français François Roux) devront convaincre les jurés que le passé, le parcours, la psychologie de Moussaoui offrent des raisons d’atténuer la sentence. Et à nouveau, dans quelques semaines, les jurés devront définitivement trancher : la vie (en prison) ou la mort.
Mais l’essentiel est-il vraiment là ? S’il ne s’était trouvé une juge courageuse et scrupuleusement attachée aux droits de la défense (même contre l’avis du prévenu et contre les pressions de l’administration fédérale), on peut raisonnablement craindre que Moussaoui aurait été jugé de façon expéditive par une justice militaire, accusatrice et opaque. En matière de justice pénale, dans la lutte contre le terrorisme (Guantanamo entache sérieusement la démocratie américaine) et les jugements d’autres crimes politiques (on pense au procès de Saddam Hussein), les Etats-Unis croient encore et toujours que la peine de mort est la peine adéquate et juste contre les pires criminels qui soient.
Mais Moussaoui nous le prouve lui-même : comme tous les fanatiques, il veut mourir ! De la façon la plus spectaculaire et en provoquant le maximum de dommages. Mettre à mort un terroriste, c’est lui offrir sur un plateau ce qu’il cherche. Il en va de même pour les dictateurs que la justice pénale internationale ne condamne plus à mort. Ne partageons pas cette quête eschatologique avec nos ennemis ! Sachons retenir le glaive de la justice et opposer aux excès de ces criminels la pondération et l’intelligence de la justice des hommes. La peine de mort est vaine et contre-productive ; là où la justice devrait calmer les passions, la peine capitale ajoute de la haine à la haine. Telle est la position des Européens et de la majorité des démocraties dans le monde. Juger et punir, oui ! Mais dans le respect de nos valeurs fondamentales.
De tout cela, les avocats de Moussaoui sont certainement convaincus. Si le procès va jusqu’à l’étude des circonsances atténuantes éventuelles, posons la question : y aura-t-il un avocat pour poser ces questions de principe aux jurés et devant les caméras du monde entier, pour instruire le procès de la peine de mort, pour expliquer aux Américains que, quand bien même leur émotion et les faits rapportés à l’audience les inclineraient à condamner Moussaoui à mort, ils devraient, ils pourraient écarter la peine capitale ? Dans l’intérêt supérieur des Etats-Unis, dans le but de renforcer les assises de nos démocraties, à cause de la vanité et de la contre-productivité de cette peine barbare, Moussaoui ne doit pas être condamné à mort. En Europe, nul doute qu’un Robert Badinter aurait développé un tel argumentaire. La justice américaine se prête moins aux combats d’idées mais un tel procès, exceptionnel et si sensible, pourrait aider à sensibiliser l’opinion publique américaine à des arguments partagés par une majorité d’Européens.
Avec les avocats qui essaient de sauver Moussaoui contre lui-même et la vengeance d’une nation meurtrie, c’est le combat pour la justice et contre la peine de mort qui est en train de se jouer aux Etats-Unis, dans des proportions médiatiques et un écho psychodramatique rarement atteints. Verdict dans quelques semaines.
Michel Taube, Président d' Ensemble Contre la Peine de Mort